Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/166

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frontières qui séparent les peuples ne font pas que ces frontières n’existent pas. Or, la vie commune ne peut être affectée que par le nombre de ceux qui y collaborent efficacement. C’est pourquoi ce qui exprime le mieux la densité dynamique d’un peuple, c’est le degré de coalescence des segments sociaux. Car si chaque agrégat partiel forme un tout, une individualité distincte, séparée des autres par une barrière, c’est que l’action de ses membres, en général, y reste localisée ; si, au contraire, ces sociétés partielles sont toutes confondues au sein de la société totale ou tendent à s’y confondre, c’est que, dans la même mesure, le cercle de la vie sociale s’est étendu.

Quant à la densité matérielle — si, du moins, on entend par là non pas seulement le nombre des habitants par unité de surface, mais le développement des voies de communication et de transmission — elle marche, d’ordinaire, du même pas que la densité dynamique et, en général, peut servir à la mesurer. Car si les différentes parties de la population tendent à se rapprocher, il est inévitable qu’elles se frayent des voies qui permettent ce rapprochement, et, d’un autre côté, des relations ne peuvent s’établir entre des points distants de la masse sociale que si cette distance n’est pas un obstacle, c’est-à-dire, est, en fait, supprimée. Cependant il y a des exceptions[1] et on s’exposerait à de

  1. Nous avons eu le tort, dans notre Division du travail, de trop présenter la densité matérielle comme l’expression exacte de la densité dynamique. Toutefois, la substitution de la première à la seconde est absolument légitime pour tout ce qui concerne les effets économiques de celle-ci, par exemple la division du travail comme fait purement économique.