Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/168

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milieu humain n’implique pas qu’il faille y voir une sorte de fait ultime et absolu au delà duquel il n’y ait pas lieu de remonter. Il est évident, au contraire, que l’état où il se trouve à chaque moment de l’histoire dépend lui-même de causes sociales, dont les unes sont inhérentes à la société elle-même, tandis que les autres tiennent aux actions et aux réactions qui s’échangent entre cette société et ses voisines. D’ailleurs, la science ne connaît pas de causes premières, au sens absolu du mot. Pour elle, un fait est primaire simplement quand il est assez général pour expliquer un grand nombre d’autres faits. Or le milieu social est certainement un facteur de ce genre ; car les changements qui s’y produisent, quelles qu’en soient les causes, se répercutent dans toutes les directions de l’organisme social et ne peuvent manquer d’en affecter plus ou moins toutes les fonctions.

Ce que nous venons de dire du milieu général de la société peut se répéter des milieux spéciaux à chacun des groupes particuliers qu’elle renferme. Par exemple, selon que la famille sera plus ou moins volumineuse, plus ou moins repliée sur elle-même, la vie domestique sera tout autre. De même, si les corporations professionnelles se reconstituent de manière à ce que chacune d’elles soit ramifiée sur toute l’étendue du territoire au lieu de rester enfermée, comme jadis, dans les limites d’une cité, l’action qu’elles exerceront sera très différente de celle qu’elles exercèrent autrefois. Plus généralement, la vie professionnelle sera tout autre suivant que le milieu propre à chaque profession sera fortement constitué ou que la trame en sera lâche, comme elle