Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/191

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celles qui se rapportent à une époque récente, mais un grand nombre de celles par lesquelles ont passé les peuples disparus sont parvenues jusqu’à nous. Malgré ses lacunes, l’histoire de l’humanité est autrement claire et complète que celle des espèces animales. De plus, il existe une multitude de phénomènes sociaux qui se produisent dans toute l’étendue de la société, mais qui prennent des formes diverses selon les régions, les professions, les confessions, etc. Tels sont, par exemple, le crime, le suicide, la natalité, la nuptialité, l’épargne, etc. De la diversité de ces milieux spéciaux résultent, pour chacun de ces ordres de faits, de nouvelles séries de variations, en dehors de celles que produit l’évolution historique. Si donc le sociologue ne peut pas employer avec une égale efficacité tous les procédés de la recherche expérimentale, l’unique méthode, dont il doit presque se servir à l’exclusion des autres, peut, dans ses mains, être très féconde, car il a, pour la mettre en œuvre, d’incomparables ressources.

Mais elle ne produit les résultats qu’elle comporte que si elle est pratiquée avec rigueur. On ne prouve rien quand, comme il arrive si souvent, on se contente de faire voir par des exemples plus ou moins nombreux que, dans des cas épars, les faits ont varié comme le veut l’hypothèse. De ces concordances sporadiques et fragmentaires, on ne peut tirer aucune conclusion générale. Illustrer une idée n’est pas la démontrer. Ce qu’il faut, c’est comparer non des variations isolées, mais des séries de variations, régulièrement constituées, dont les termes se relient les uns aux autres par une gradation aussi continue que possible, et qui, de plus, soient d’une suffisante