Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/39

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sont faites par les particuliers, puisqu’elles peuvent même être sans être actuellement appliquées.

Sans doute, cette dissociation ne se présente pas toujours avec la même netteté. Mais il suffit qu’elle existe d’une manière incontestable dans les cas importants et nombreux que nous venons de rappeler, pour prouver que le fait social est distinct de ses répercussions individuelles. D’ailleurs, alors même qu’elle n’est pas immédiatement donnée à l’observation, on peut souvent la réaliser à l’aide de certains artifices de méthode ; il est même indispensable de procéder à cette opération, si l’on veut dégager le fait social de tout alliage pour l’observer à l’état de pureté. Ainsi, il y a certains courants d’opinion qui nous poussent, avec une intensité inégale, suivant les temps et les pays, l’un au mariage, par exemple, un autre au suicide ou à une natalité plus ou moins forte, etc. Ce sont évidemment des faits sociaux. Au premier abord, ils semblent inséparables des formes qu’ils prennent dans les cas particuliers. Mais la statistique nous fournit le moyen de les isoler. Ils sont, en effet, figurés, non sans exactitude, par le taux de la natalité, de la nuptialité, des suicides, c’est-à-dire par le nombre que l’on obtient en divisant le total moyen annuel des mariages, des naissances, des morts volontaires par celui des hommes en âge de se marier, de procréer, de se suicider[1]. Car, comme chacun de ces chiffres comprend tous les cas particuliers indistinctement, les circonstances individuelles qui peuvent avoir quelque part dans la

  1. On ne se suicide pas à tout âge, ni, à tous les âges, avec la même intensité.