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Page:Dussault - Amour vainqueur, 1915.djvu/57

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amour vainqueur

long ; la déception maintenant qu’elle éprouvait était si cruelle, qu’elle ne pouvait se résigner à essayer de guérir la plaie faite à son cœur, en recueillant les amours qui lui étaient offerts !

Tant de doux moments, tant d’heures agréables passées avec son ami Rogers, étaient encore trop présents à sa mémoire pour qu’elle se décidât à accepter un autre amour.

Elle se rappelait encore comme si c’eut été hier, le dernier baiser de Rogers lorsqu’elle quittait son pays natal pour retourper pour la dernière année, au couvent ; elle avait encore à l’esprit, ses paroles glissées à son oreille : Ninie, aime-moi, aime-moi toujours ! ne m’oublie pas, garde-moi ton cœur !

Prends mon serment, mon amour te restera fidèle : Ninie n’osait pas le croire méchant ; elle l’excusait, se disant tantôt à elle-même : le pauvre Rogers, peut-être a-t-il dû quitter Haileybury sur les ordres de son père qui lui aurait préparé un avenir meilleur, dans une autre grande ville ? peut-être aurait-il été pris de découragement, en constatant que c’était peine perdue de m’attendre pour se faire un avenir ?

Mais, au moins quelle est la cause de son éloignement ? Si je pouvais le savoir, se disait-elle, je serais plus forte pour faire ma décision et affronter les dangers qui seront inévitablement sur ma route !

Pourquoi les lettres qu’elle lui avait fait parvenir si ingénieusement, au prix de sacrifices, s’exposant même à des pensums, étaient-elles restées sans réponse, alors qu’elle suivait ses cours au couvent ? Après tant de protestations d’amour, de cet amour qu’elle mesurait jusqu’à l’infini, qu’elle croyait inépuisable, sans bornes, pourquoi, hélas, cet abandon ? pourquoi ce délaissement ? pourquoi ce silence si prolongé ?

Une mélancolie indicible se traduisait sur cette figure rose et fraîche ; ses grands yeux d’habitude si pleins de vie et de gaieté, devinrent tristes et langoureux ; ils ne disaient plus le courage et la fermeté, comme ils le faisaient autrefois.

Lorsqu’un soir, se berçant, seule dans le parterre, occupée à contempler la nature sauvage et la beauté pittoresque des environs de Guigues, et ce lac du Témiscamingue qui lui rappelait ce doux souvenir, changé en une cruelle déception, elle vit passer