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LIVRE III.

pris à témoin par les roseaux, le pic-vert par le rouge-gorge, le corbeau sacré par l’hirondelle, le cerf centenaire par les cigales, le barde par les hommes, Merlin par les bardes. Il faudrait des paroles d’airain pour enchaîner les éphémères. »

Pour conclure, il ajouta :

« Rossignol, sois fidèle à la rose ! Et vous qui m’écoutez, rois, bergers, hommes et homoncules, souvenez-vous que Merlin a signé le contrat. »

À ces paroles, il ajouta des présents considérables ; des robes de laine blanche pour les prêtres, cent colliers d’or pour les vierges, cent braies neuves pour les pauvres gens.

Les fêtes achevées, Merlin congédia les couples préférés, qui s’en allèrent çà et là, répandant ses louanges ; heureux si ce qu’il avait uni n’avait jamais été divisé par le sort. Mais combien de ces chaînes de diamants ont été rompues sans pitié ! Combien de ces âmes mariées légitimement à l’origine par Merlin ont été divorcées par le hasard, par la naissance, par le préjugé, par l’avarice, par la convoitise de l’or, ou la cruauté des parents ! Tels de ces époux passent le reste de leur vie à se chercher, sans se retrouver jamais ; d’autres se rencontrent, auxquels il n’est plus permis de s’aimer, ou, s’ils le font, c’est à leur dam ! D’autres, plus misérables, ont oublié que jadis ils se sont épousés et que le contrat est resté entre les mains de l’enchanteur. De là l’ennui, la tristesse, l’insipidité des choses humaines. Tout s’y oublie, même la félicité, même le désespoir.