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LIVRE X.

fini par découvrir, à Venise, le modèle vivant. Ce n’était, il est vrai, qu’une simple batelière ; mais dans ce pays-là tout le monde était noble.

« Qu’importe ! s’écria Merlin, la noblesse est dans le cœur. Partons, Turpin. »

Ils partirent ce jour-là même.

Rien de remarquable ne se passa dans le chemin, sinon qu’en sortant du faubourg de Ferrare nos voyageurs trouvèrent un hippogriffe tout sellé dans la prairie. Il avait la bride suspendue au cou, mais le frein hors de la bouche, ce qui lui permettait de paître. Ses deux grandes ailes, pourpre et or, ployées sur le flanc, il se laissa approcher à la distance de six pas. Puis il commença à battre de l’aile, comme s’il eut attendu quelqu’un et l’eût invité à partir. Turpin, toujours en quête de grandes aventures, saisit la bride. Il allait mettre le frein à l’hippogriffe et l’enfourcher, lorsque Merlin s’y opposa par les paroles suivantes :

« Non, Turpin ! laisse paître ici cet hippogriffe, jusqu’à ce que le cavalier attendu sorte de Ferrare. Car ce cavalier, aux éperons de diamant, viendra, et il cherchera sa monture, et ce serait un grand malheur qu’elle lui fût dérobée. D’autant que tu pourrais aisément te laisser choir des arçons et périr sans honneur ; au lieu que son maître légitime le conduira, non sans péril, à travers les plaines de l’air ; et il n’y aura pas un point de la terre et des cieux qui ne sourie en le voyant passer sur le cheval aux ailes étendues. Pour nous, jusqu’à ce que nous ayons retrouvé Viviane, il convient