Page:E. Quinet - Merlin l'Enchanteur, 1860.djvu/419

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
407
LIVRE XI.

piler, s’évertuer, se compromettre soi et les siens, se ruiner corps et âme, affronter geôle, exils, morts, pour démontrer, mais cette fois plus modestement, que peut-être, à en croire les anciens, sans trop l’assurer pourtant, ni sans vouloir offenser personne, le tout d’ailleurs remis à la décision des puissants, il se pourrait que deux et deux fissent quatre.

— Oh ! mon ami, l’étrange supplice pour un esprit qui veut avancer ! L’écureuil, dans sa cage de fer, fait plus de chemin en une heure que ceux-là en une vie… Et vos dieux ?

— Le plus souvent, nous sommes nos dieux à nous-mêmes. »

Cette dernière réponse jeta Merlin dans la plus noire mélancolie. Cette société privée du ciel lui apparut dans toute sa tristesse. La grâce même des esprits des ruines lui devenait chaque jour plus pesante. Il sentait le besoin de respirer sur les sommets sacrés.

Sans communiquer son projet à personne, il fit vœu d’aller en pèlerinage à la recherche des dieux perdus ; ce qu’il exécuta le lendemain, en profitant du moment où Épistrophius faisait la sieste, comme on le verra dans le livre suivant, lequel commence par une inspiration que j’ai puisée sur le mont Lycée lui-même.