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MERLIN L’ENCHANTEUR.

Ne dis à personne, pas même à ta marraine, d’où viennent ces plantes nouvelles. Notre secret est à ce prix. Je tremble maintenant qu’une indiscrétion, un messager égaré ne divulgue prématurément le secret de notre Éden.

J’allais oublier de te dire qu’en fouillant cet univers, j’ai fini par rencontrer des pas humains ; sur le sable. Combien j’en ai tressailli ! C’étaient les pas d’une jeune Indienne que j’ai atteinte à la course. Elle m’a paru, comme tout ce que j’ai vu ici, fraîchement sortie du berceau des choses. Son nom est Oméania. Ses cheveux, encore humides de l’haleine du chaos, sont étendus en lisses aplaties sur ses épaules ; ils ont la teinte de l’aile du corbeau ; sa taille est aussi souple qu’une liane ; pour ses yeux, tu t’en feras aisément une idée en regardant ceux de tes gazelles. Elle vient d’apparaître au jour, et déjà elle sait danser la danse de l’aigle dont elle imite fort bien les mouvements effarés autour de l’aire, dans le même temps qu’elle manie une petite hache de pierre avec une admirable dextérité.

« D’où venez-vous ? » lui dis-je.

Elle n’a su que répondre.

« Vos parents ? »

Même silence.

« Êtes-vous née de la terre ? »

Elle m’a montré le ciel.

Je lui ai donné quelques grains de verroterie ; pour cela elle a voulu m’adorer. Je l’ai suppliée de n’en rien faire.