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LIVRE XIX.

gnarder (châtiment volontaire qui, au moins, expierait le reniement), mais pour passer, tête basse, parmi les goujats d’armée, dans le camp du vainqueur.

Il en est tout autrement, quand il s’agit d’un enchanteur désenchanté. Cette situation n’a été peinte nulle part ; et par sa nouveauté même, que de difficultés presque insurmontables elle entraîne ! Point de classique, ni de modèle que je puisse prendre pour guide et pour patron ; une route inconnue, rocailleuse, pleine de fondrières où nul pas humain ne se montre ; de tous côtés, des précipices qui donnent le vertige.

Si j’avais su d’avance où devait me conduire mon sujet de prédilection, le courage, assurément, m’aurait manqué pour commencer. Mais aujourd’hui il est trop tard pour s’en dédire. Huit cents pages déjà remplies, ce n’est pas là une bagatelle ! Continuons donc dans la voie où nous sommes, jusqu’à ce que nous trouvions l’issue. Avec de la méthode, de l’ordre, l’art de distribuer le sujet en ses diverses parties, surtout avec un style sobre (car, à travers ces abîmes, rien ne serait plus périlleux qu’une langue enivrée), il ne faut pas désespérer d’atteindre un heureux dénoûment.

Sitôt que Merlin fut rentré dans le royaume d’Arthus, on annonça son approche à son de trompes ; c’est à peine si les peuples le reconnurent, tant ils sont oublieux, et si quelques voix murmurèrent tout bas : « Merlin est revenu ! »

Cependant il était près de Kerléon où Arthus tenait alors sa cour ; au-devant de lui volèrent, à l’orée d’une