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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/375

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sur la cour, etc. ; mais bientôt nous fûmes ramenés à des objets sérieux, et nous nous trouvâmes enfoncés dans un entretien sur les doctrines religieuses de l’Angleterre. Goethe nous dit : « Il faudrait que vous eussiez comme moi étudié l’histoire de l’Église pour concevoir comment ici tout est lié. Il est aussi extrêmement curieux de voir avec quelles doctrines les mahométans commencent leur éducation. Comme base de la Religion, ils affermissent la jeunesse dans cette conviction que rien ne peut arriver à l’homme qui n’ait depuis longtemps été arrêté par la volonté divine, ils se trouvent ainsi pour toute leur vie parfaitement armés et tranquilles, et ils n’ont guère plus besoin d’autre chose. Je ne veux pas chercher ce qu’il peut y avoir dans cette doctrine de vrai ou de faux, d’utile ou de nuisible, mais il y a certainement en nous tous quelque chose de cette foi, même sans que nous l’ayons reçue : « La balle sur laquelle mon nom n’est pas écrit, ne m’atteindra pas, » dit le soldat dans la bataille, et, sans cette conviction, comment pourrait-il conserver le courage et la gaieté en se lançant au milieu des plus pressants dangers ? La doctrine de la foi chrétienne : « Un seul passereau ne tombe pas du toit sans la volonté de votre Père, » est sortie de la même source, et elle annonce une Providence qui tient son regard fixé sur le plus petit objet, et sans la volonté et permission de laquelle rien ne peut arriver. En Philosophie, les mahométans commencent leur éducation par ce principe : « Il « n’y a rien dont le contraire ne puisse se soutenir, » et l’exercice auquel ils soumettent l’esprit de la jeunesse consiste à trouver et à exprimer pour chaque opinion l’affirmation contraire la plus opposée, ce qui doit produire une grande souplesse de pensée et de parole. Quand on