Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/466

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comme ils pourront, s’ils veulent voir les choses elles-mêmes, que du reste leur maître n’a souvent pas vues lui-même ! C’est là évidemment une voie détestable. Mieux le professeur est armé de son appareil scientifique, plus l’obscurité augmente avec la présomption. Et voilà les gens qui devront donner des leçons au teinturier qui vit près de sa chaudière, au pharmacien qui vit près de sa cornue ! Pauvres diables de praticiens, que je vous plains de tomber en de pareilles mains ! Ils se sont bien moqués autrefois d’un vieux teinturier de Heilbronn, qui était plus fort qu’eux tous ! Si le monde ne l’a pas reconnu, lui connaissait le monde, et je regrette bien qu’il n’ait pas vécu jusqu’à la publication de ma théorie des couleurs ; sa chaudière lui aurait donné ses conseils ; celui-là savait ce dont il s’agissait !

Je me suis occupé toute ma vie de sciences, eh bien ! si je voulais écrire tout ce qui est digne d’être retenu dans ce que j’ai appris, le manuscrit serait si petit, que vous pourriez l’emporter chez vous dans une enveloppe de lettre.

— Dans notre pays, les sciences sont cultivées grossièrement comme gagne-pain, ou bien du haut des chaires on les soumet en forme à une analyse pédantesque ; de cette façon, nous avons à choisir entre une science populaire superficielle ou un incompréhensible galimathias de phrases transcendantales. — Ce qui, selon moi, de notre temps, a été encore le mieux étudié, c’est l’électricité. Les Éléments d’Euclide sont pourtant toujours là comme un modèle insurpassable qui nous montre comment on doit enseigner ; la simplicité, l’enchaînement gradué de ses théorèmes nous indique comment on doit pénétrer dans toutes les sciences.

Quelles énormes sommes d’argent perdues par les