Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/109

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les aurait sans doute expédiés plus tôt, s’il n’avait pas été gêné par l’étroit espace dans lequel il lui fallait agir et par les effroyables embardées du brick. Il venait de s’emparer de l’un des lourds escabeaux qui gisaient sur le plancher. Avec cela, il défonça le crâne de Greely au moment où celui-ci allait décharger son fusil sur moi, et immédiatement après, un roulis du brick l’ayant jeté sur Hicks, il le saisit à la gorge et l’étrangla instantanément à la force du poignet. Ainsi, en moins de temps qu’il ne m’en a fallu pour le raconter, nous nous trouvions maîtres du brick.

Le seul de nos adversaires resté vivant était Richard Parker. On se rappelle qu’au commencement de l’attaque j’avais assommé cet homme d’un coup de ma bringuebale. Il gisait immobile à côté de la porte de la cabine défoncée ; mais, Peters l’ayant touché avec le pied, il retrouva la parole et demanda grâce. Sa tête n’était que légèrement fendue, et il n’était pas autrement blessé, le coup l’ayant simplement étourdi. Il se releva, et pour le moment nous lui attachâmes les mains derrière le dos. Le chien était encore sur Jones, grondant toujours avec fureur ; mais en regardant attentivement, nous vîmes que celui-ci était tout à fait mort ; un ruisseau de sang jaillissait d’une blessure profonde à la gorge, que lui avaient faite les crocs puissants de l’animal.

Il était alors une heure du matin, et le vent soufflait toujours d’une manière effroyable. Le brick fatiguait évidemment beaucoup plus qu’à l’ordinaire, et il devenait indispensable de faire quelque chose pour l’alléger. Presque à chaque coup de roulis sous le vent il embarquait