Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/248

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Le ravage parmi les insulaires dépassa nos plus belles espérances, et ils recueillirent les fruits mûrs et parfaits de leur trahison. Un millier d’hommes peut-être périrent par l’explosion, et mille autres au moins furent effroyablement mutilés. Toute la surface de la baie était littéralement jonchée de ces misérables se débattant et se noyant, et sur la côte les choses étaient pires encore. Ils semblaient entièrement terrifiés par la soudaineté et la perfection de leur déconfiture, et ils ne faisaient aucun effort pour se prêter secours les uns aux autres. À la fin nous remarquâmes un changement total dans leur conduite. D’une stupeur absolue ils parurent tout d’un coup passer au degré le plus élevé de l’excitation ; ils se précipitèrent çà et là d’une manière désordonnée, courant vers un certain point de la baie et s’enfuyant aussitôt, avec les plus étranges expressions de rage, de terreur et d’ardente curiosité peints sur leurs physionomies, et vociférant de toute la force de leurs poumons : Tekeli-li ! Tekeli-li !

Nous vîmes bientôt une grande troupe se retirer dans les collines d’où ils sortirent au bout de peu de temps, avec des pieux de bois. Ils les portèrent à l’endroit où la presse était le plus compacte, et cette multitude s’ouvrit comme pour nous révéler l’objet d’une si grande agitation. Nous aperçûmes quelque chose de blanc qui reposait sur le sol, mais nous ne pûmes pas distinguer immédiatement ce que c’était. À la longue, nous vîmes que c’était le corps de l’étrange animal aux dents et aux griffes écarlates, que la goëlette avait pêché en mer, le 18 janvier. Le capitaine Guy avait fait conserver le corps pour empailler la peau et la rapporter en Angleterre. Je