Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/274

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trahissait rien de semblable, bien que de temps à autre elle revêtit une expression mystérieuse dont je ne pouvais pénétrer le sens. L’hiver polaire approchait évidemment, — mais il approchait sans son cortège de terreurs. Je sentais un engourdissement de corps et d’esprit, — une propension étonnante à la rêverie, — mais c’était tout.

6 mars. — La vapeur s’était alors élevée de plusieurs degrés au-dessus de l’horizon, et elle perdait graduellement sa nuance grisâtre. La chaleur de l’eau était excessive, et sa nuance laiteuse plus évidente que jamais. Ce jour-là une violente agitation dans l’eau se produisit très-près du canot. Elle fut, comme d’ordinaire, accompagnée d’un étrange flamboiement de la vapeur à son sommet et d’une séparation momentanée à sa base. Une poussière blanche très-fine, ressemblant à de la cendre, — mais ce n’en était certainement pas, — tomba sur le canot et sur une vaste étendue de mer, pendant que la palpitation lumineuse de la vapeur s’évanouissait et que la commotion de l’eau s’apaisait. Nu-Nu se jeta alors sur le visage au fond du canot, et il fut impossible de le persuader de se relever.

7 mars. — Nous questionnâmes Nu-Nu sur les motifs qui avaient pu pousser ses compatriotes à détruire nos camarades ; mais il semblait dominé par une terreur qui l’empêchait de nous faire aucune réponse raisonnable. Il se tenait toujours obstinément couché au fond du bateau ; et comme nous recommencions sans cesse nos questions relativement au motif du massacre, il ne répondait que par des gestes idiots, comme, par exem-