Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/46

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œil. On peut ainsi se figurer combien était noire la nuit de ma prison, et le billet de mon ami, si toutefois c’était un billet de lui, semblait ne devoir servir qu’à augmenter mon trouble, en tourmentant sans utilité mon pauvre esprit déjà si agité et si affaibli. En vain je roulais dans mon cerveau une foule d’expédients absurdes pour me procurer de la lumière, — des expédients analogues à ceux qu’imaginerait, pour un but semblable, un homme enveloppé du sommeil troublant de l’opium ; chacun apparaissant tour à tour au songeur comme la plus raisonnable et la plus absurde des inventions, selon que les lueurs de la raison ou celles de l’imagination dominent dans son esprit vacillant. À la fin, une idée se présenta à moi, qui me parut rationnelle, et je ne m’étonnai que d’une chose, c’était de ne pas l’avoir trouvée tout de suite. Je plaçai la bande de papier sur le dos d’un livre, et, ramassant les débris d’allumettes chimiques que j’avais rapportés du baril, je les mis tous ensemble sur le papier ; puis avec la paume de ma main, je frottai le tout vivement, mais solidement. Une lumière claire se répandit immédiatement à la surface, et s’il y avait eu quelque chose d’écrit dessus, je suis sûr que je n’aurais pas eu la moindre difficulté à le lire. Il n’y avait pas une syllabe, rien qu’une triste et désolante blancheur ; la clarté s’éteignit en quelques secondes, et je sentis mon cœur s’évanouir avec elle.

J’ai déjà dit que, pendant une période précédente, mon esprit s’était trouvé dans un état voisin de l’imbécillité. Il y eut, il est vrai, quelques intervalles de parfaite lucidité et même, de temps à autre, d’énergie ; mais ils avaient