Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/77

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quand j’avais tout lieu d’espérer un prompt élargissement. L’atmosphère de la cale devait lui paraître aussi, à lui sortant de l’air comparativement pur du gaillard d’avant, d’une nature absolument empoisonnée, et bien autrement intolérable qu’elle ne m’avait semblé à moi-même lorsque j’avais pris pour la première fois possession de ma caisse, — les écoutilles étant restées constamment ouvertes depuis plusieurs mois. Ajoutez à ces considérations cette scène d’horreur, cette effusion de sang, dont mon camarade avait été tout récemment témoin ; sa réclusion, ses privations, cette mort toujours suspendue, qu’il avait souvent vue de si près ; sa vie qu’il ne devait qu’à une espèce de pacte aussi fragile qu’équivoque, circonstances toutes si bien faites pour abattre toute énergie morale, — et vous serez facilement amené, comme je le fus moi-même, à considérer son apparente défaillance dans l’amitié et la fidélité avec un sentiment plutôt de tristesse que d’indignation.

Le bris de la bouteille avait été entendu par Auguste, mais il n’était pas sûr que ce bruit provînt de la cale. Le doute cependant était un encouragement suffisant pour persévérer. Il grimpa presque jusqu’au faux pont au moyen de l’arrimage, et alors, profitant d’un temps d’arrêt dans le roulis furieux du navire, il m’appela de toute la force de sa voix, sans se soucier pour l’instant du danger d’être entendu de l’équipage. On se rappelle qu’en ce moment sa voix était arrivée jusqu’à moi, mais que j’étais dominé par une si violente agitation que je me sentis incapable de répondre. Persuadé alors que sa terrible crainte n’était que trop fondée, il des-