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ridiculiser Mme de La Roche Pelée pour s’être laissée prendre au manège d’une servante se faisait passer pour l’amie du sous-préfet…

« Le Nouvelliste pourra même y répondre par une petite note déclarant que cette erreur n’entache en rien l’honorabilité de la comtesse.

— Merci, monsieur le sous-préfet… déclara le directeur du Nouvelliste.

— La seule chose que nous demanderons en retour, c’est que M. de la Roche Pelée donne sa démission de maire et de député, et que son parti ne fasse qu’une opposition très modérée et de pure forme à la candidature du docteur Rabaud…

« Voilà nos conditions.

— Elles sont modérées, et nous les acceptons, reprit le directeur du Nouvelliste. Nous souhaitons même, monsieur le sous-préfet, devenir vos amis.

Il ne restait plus qu’à aviser la comtesse de l’accord conclu, en lui confiant la mission de faire comprendre à son mari la nécessité de se retirer de la politique.

On lui dépêcha donc Emma.

La camériste revint en disant :

— Madame n’est pas tout à fait prête. Elle demande quelques instants pour venir…

On ne s’étonnera pas qu’Isabelle-Éléonore eût tant tardé à se revêtir. Elle n’avait pas pu résister à la tentation de donner au jeune Agénor une première leçon dont le professeur et l’élève furent autant charmés l’un que l’autre.

Elle vint enfin et ce fut, avec une grande assurance qu’elle comparut devant l’aréopage présidé par le sous-préfet.

Elle acquiesça naturellement à tout ce qui avait été convenu.

La comtesse ne sortit pas cette nuit-là par la porte dérobée de la rue du Pont-Levis. On lui fit ouvrir la grande porte d’entrée, et elle regagna son hôtel directement.

Comme elle le faisait chaque matin, elle se glissa dans sa chambre.

Et quelques heures plus tard, elle faisait demander au comte de venir la voir :

— Mon cher ami, lui dit-elle. J’ai commis une grave faute, qui va compromettre votre situation politique.

Et elle expliqua, comme l’avait imaginé Edgard, comment une intrigante l’avait trompée en la laissant accuser le sous-préfet, alors qu’il s’agissait simplement d’un jeune attaché…

— Voilà, dit-elle. Demain, toute la ville va me tourner en ridicule… Je serai la risée de tout le monde.

— Mais alors, moi… il ne me reste plus qu’à donner ma démission !…