— De Tunisie ?… Ah ! mon Dieu ! Nous allons être séparés… pour longtemps ?…
— Pour… très longtemps, oui… Je ne pourrai plus venir à Paris que de loin en loin…
Cette fois Gaby comprenait… Elle se laissa tomber en pleurant sur une chaise :
— Ah ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! Tu me quittes ! tu m’abandonnes ! Tu ne m’aimes plus !…
— Mais si, ma petite Gaby, je t’aime toujours…
— Non, sans cela, tu n’aurais pas accepté de t’en aller si loin de moi !…
Et la pauvre Gaby voyait ses larmes redoubler… Elle ajoutait :
— C’est peut-être même toi qui as demandé à partir en Tunisie !… Pourtant tu n’as rien à me reprocher…
Le moment douloureux était arrivé. Roger qui se sentait faiblir devant les pleurs de sa maîtresse, se raidit pour retrouver toute son énergie :
— Écoute, ma chérie, je t’aime toujours autant, je n’ai pas cessé de t’aimer ; mais il m’est impossible de continuer plus longtemps à me conduire comme je le fais, vis-à-vis de ton mari…
— Ce sont tes remords qui reviennent… maintenant qu’il m’a odieusement trompée avec une grue…
— Il ne t’a pas trompée… Non, ça t’étonne ? C’est pourtant vrai. Ah ! Vois-tu, ce brave homme m’a donné une leçon, une leçon de dignité, après laquelle je ne peux plus lui prendre sa femme, à lui qui a refusé, alors qu’elle s’offrait, celle qu’il croyait être seulement ma maîtresse…
Mais Gaby n’entendait pas de cette oreille. Elle ne comprenait rien à tous les scrupules de Roger.
— Jusqu’à présent, lui répondit-elle, tu ne t’es pas embarrassé de tout cela.
— Je te demande pardon… Je…
— Oui, depuis que tu connais Anselme… Mais auparavant, quand tu m’as rencontrée pour la première fois, je ne t’ai pas caché la vérité, tu savais parfaitement que j’étais une femme mariée…