Page:Edmond Texier - La Grèce et ses insurrections, 1854.djvu/23

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l'envoya expier dans les cachots de Thérésienstadt, en Bohême, le crime d'avoir aidé au réveil de ses compatriotes. Il ne devait sortir du sépulcre autrichien que six ans plus tard, c'est-à-dire après la signature du traité de Londres. Mais le cachot de l'Autriche ne rend que des cadavres. A peine redevenu libre, Ypsilanti mourut épuisé par les souffrances qu'il avait endurées pendant six années de captivité.

IV

Avant de passer le Pruth, Alexandre Ypsilanti avait transmis à toutes les éphories l'ordre de prendre les armes. Les hétéristes de Constantinople essayèrent de soulever les matelots grecs qui composaient les équipages des navires armés dans le port, mais la tentative avorta. Alors la crainte du danger poussa les Turcs à des actes de barbarie inouïs. Les janissaires égorgeaient tous les Grecs qu'ils pouvaient découvrir. Les Valaques et les Moldaves des grandes familles établies à Constantinople étaient décapités sous prétexte de complicité avec leurs coreligionnaires. Les Grecs chrétiens qui pouvaient s'échapper du faubourg de Péra émigraient à Odessa. Tous les chefs du clergé grec de la capitale, arrachés la même nuit à leurs autels, étaient immolés sur les marches de leurs églises. Le port de Constantinople et les eaux du Bosphore rejetaient les cadavres sur les quais. On délibérait dans le divan le massacre général des Grecs. Mahmoud s'y refusa et disgracia son grand vizir pour laver, aux yeux des puissances chrétiennes, son gouvernement des forfaits commis. L'Europe contemplait en frémissant ce lugubre spec-