Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/148

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et, du même pas fiévreux et résolu, quitte la pièce. Elle n’ose l’appeler et lui tendre les bras. La trappe s’est rabattue.

Le bruit des pas, le cliquetis du sabre et les vibrations meurent au loin. Un souvenir seulement reste à Rika.

Ou n’aurait-elle pas rêvé, l’impressionnable créature ?

Non, il y a un instant, il s’asseyait presque au chevet du lit de Rika.

Et la preuve : là-bas sur le plancher, cet objet, brillant aux lueurs blafardes de la lune, représente bien le couteau dont il vient de se servir.

Rika ne saurait plus douter. Elle ramasse l’objet, porte à ses lèvres la lame encore ouverte, et comme son haleine ternit l’acier, elle l’essuie, la baise de nouveau, recommence vingt fois le même puéril manège.

Non, la bonne Zanne Hokespokes tient parole. Ce mignon couteau à manche d’écaille de tortue est désormais un gage pour Rika. Ses doigts carressent le fil de la lame, comme s’ils glissaient le long de la moustache naissante du brigadier et elle voudrait se mirer dans les yeux noirs du bienvoulu comme elle le fait dans le métal étincelant.

À force de se fixer sur la tache lumineuse, ses yeux se fatiguent ; l’hypnotisme la renverse sur sa couchette, et pressant le précieux canif contre sa poitrine, elle s’endort pour rêver du martial visiteur.