Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/206

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tresses branches de deux arbres voisins qui remplaçaient ainsi les tréteaux sur lesquels les scieurs de long asseoient la pièce à refendre. Sa haute stature permit au mystérieux vieillard, passant la main dans une oreille de l’outil, de faire l’office de l’ouvrier tirant de bas en haut ; Stann saisissant l’autre poignée, manœuvrait dessous, tirant de haut en bas. Mue par les deux travailleurs, la scie allait et venait, mordait allègrement le bois vert sans rencontrer de résistance. Ils devaient donner au moins cent coups de scie par minute, le double de ce que fourniraient les meilleurs artisans dans la partie. Aussi en présence d’un autre acolyte que cet épouvantable barbon, le piaffeur n’eût pas tiré mince vanité de ses débuts dans un métier absolument nouveau pour lui. Les mains du manœuvre au lieu de conduire et de pousser l’instrument, semblaient suivre l’impulsion de celui-ci. Bientôt un tas de planches s’éleva.

— Cela suffira pour quatre cercueils ! dit l’Esprit comme se parlant à lui-même.

Mais le pauvre hère surprit cet à parte et lui qui n’éprouvait plus le froid depuis une heure et dont la sueur tombant à grosses gouttes faisait fondre la couche de neige à ses pieds, sentit ses moëlles se glacer dans ses os.

— Tu as compris ? dit son implacable patron ; certes un baes plus incommode que ceux de la ville. Eh bien, à l’œuvre alors ! Dépêche, car mon séjour annuel sur la terre s’abrège…

Et en suivant la direction de l’index du vieillard, Stann Molderé vit, à terre, un rabot, un marteau et un