Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/48

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qu’on voyait valser dans le vide. Le quidam ressemblait a Klaes Domus ; du moins, on reconnaissait le tailleur à sa longue redingote de bedeau. De là le Taureau jovial.

Une maladresse commise par la Cœcilia, avança l’heure de l’entrée en bataille de l’Entre-Nous. La société chorale expulsa du jubé deux chanteurs, parents du bourgmestre Bakvisch et suspects comme tels de sympathie pour la baezine du cabaret nouveau.

En représailles, à la première répétition de la fanfare, il fut décidé, malgré l’opposition de Klaes Domus et de sa clique, d’inaugurer en corps, et le drapeau en tête, la future résidence du petit Baut, « leur excellent soliste ».

Au jour fixé, dans l’après-midi, les Entre-Nous, convoqués au Bœuf bigarré, se rendirent de là au Taureau jovial, jouant allègrement à pleins poumons des pas redoublés en honneur dans l’armée. Sur le seuil de l’estaminet, le petit carabinier en congé, sa mère, et Lusse radieuse, attendaient leurs amis. À peine entrés, le président Bakvisch demanda la parole et proposa, au nom de la commission, que la Société transférât son local du Bœuf bigarré au Taureau jovial. On adopta cette mesure avec frénésie. Une demi-douzaine de timorés, dépendants des Domus aînés ou membres de la Cœcilia, se consultèrent un instant dans un coin de la salle, puis, sans dire un mot, déposèrent leurs instruments et leurs calepins de musique sur la table du billard neuf, renfoncèrent leur casquette d’un air torve et gagnèrent la porte. Ceux-là donnaient leur démission. Klaes Domus, membre honoraire, envoya la sienne par écrit