Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/97

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Il la secoua. Elle ne répondait plus mais soupirait fortement et de son gosier partaient des sons étranges.

Que fredonne-t-elle ainsi, la petite chanteuse ? La chanson de Pierrot-la-Mort, n’est-ce pas mignonne ?…

C’était par une humide matinée dominicale d’octobre, à Putte-Cappellen, la bourgade mi-belge mi-hollandaise. On venait de brancher a Londres un médecin empoisonneur. Kromme-Jak possédait la complainte flamande inspirée par cette affaire ; la Belette l’avait apprise par cœur et cette fois avec une étonnante facilité. Et voilà que cette bougresse s’avisait de paresser à présent !

Au dehors roulaient les banneaux et les omnibus, montait l’odeur des fritures, préludaient les cuivres, et les tambours battaient la chamade. Onze heures allaient sonner, la messe finissait.

Ils ne seraient jamais prêts pour le moment du coup de feu.

La Belette immobile, la tête reposant sur l’oreiller éventré, indifférente aux objurgations de son compagnon, tournait ses yeux de gemme bleu vers la fenêtre en tabatière.

— As-tu compris ? Il s’agit de se lever, et vite encore, ou gare la danse !

Elle ne bougeait pas plus qu’un marbre.

À bout de patience, Corepain leva sur elle son violon et l’en frappa si fort sur le crâne que le bois se fendit avec un long gémissement…

Puis, tout se tut…

Longtemps, affalé sur son escabeau, Kromme-Jak,