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VII

Gendre et beau-père.


M. Freddy Béjard, nouveau député, donne à ses amis politiques le grand dîner retardé par le sac de son hôtel et l’effervescence populaire.

L’émeute n’a pas duré. Dès le lendemain, les bons bourgeois, que le tumulte de la nuit empêchait de dormir et faisait trembler dans leurs lits, prenaient comme but de promenade les principales maisons ravagées par la populace. Comme les riches ne manquent pas d’imputer ces actes de sauvagerie à Bergmans, malgré les protestations et les désaveux énergiques de celui-ci, M. Freddy Béjard bénéficie de l’indignation des gens rassis et timorés.

Les gazettes persécutées par M. Dupoissy publient durant des semaines des considérations de « l’ordre le plus élevé », sur « l’hydre de la guerre civile » et le « spectre de l’anarchie », si bien que nombre de bons Anversois, détestant Béjard et les étrangers et portés pour Bergmans, craindraient, en continuant d’appuyer celui-ci, de provoquer de nouveaux désordres.

Comme il incombait à la ville de dédommager les victimes des démagogues, M. Béjard n’a rien perdu non plus de ce côté-là, et en a profité pour grossir l’évaluation des dégâts.

De sorte que c’est dans un hôtel repeint et meublé à neuf, plus cossu que jamais, où rien ne porte trace de la visite des runners, que M. le député traite ses féaux et amis ; ses collègues du « banc » d’Anvers au Parlement, ses égaux, les riches : Dobouziez, Vanderling, Saint-Fardier père, les deux jeunes couples Saint-Fardier, Van Frans et autres Van, les