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VIII

Daelmans-Deynze.


À l’entrée d’une des rues riveraines du Marché-aux-Chevaux, où des hôtels un peu froids, habités par des patriciens, voisinent, comme en rechignant, avec des bureaux et des magasins de négociants, théâtre d’un va-et-vient continuel de ruche prospère, — court, sur une quarantaine de mètres, un mur bistré, effrité par deux siècles au moins, mais assez massif pour subsister durant de longues périodes encore.

Au milieu, une grande porte charretière s’ouvre sur une vaste cour fermée de trois côtés par des constructions remontant à l’époque des archiducs Albert et Isabelle, mais qui ont subi, depuis, des aménagements et des restaurations en rapport avec leurs destinées modernes.

Un des solides battants noirs étale une large plaque de cuivre, consciencieusement astiquée, sur laquelle on lit en gros caractères : J.-B. Daelmans-Deynze et Ce. Le graveur voulait ajouter denrées coloniales. Mais à quoi bon ? lui avait-on fait observer. Comme deux et deux font quatre, il est avéré, à Anvers, que Daelmans-Deynze, les seuls Daelmans-Deynze, sont commerçants en denrées coloniales, de père en fils, en remontant jusqu’à la domination autrichienne, peut-être même jusqu’aux splendeurs de la Hanse.

Si l’on s’engage sous la porte, profonde comme un tunnel de fortifications, et qu’on débouche dans la cour, on avise d’abord un petit vieillard alerte, quoique obèse, rouge de teint, monté sur de petites jambes minces et torses, arcboutées plus que de nécessité, mais qui sont en mouvement perpétuel. C’est Pietje