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I

Le Patrimoine.


Laurent venait d’atteindre sa majorité et le directeur de la fabrique l’invita par lettre strictement polie à passer par ses bureaux. Laurent retrouva son tuteur comme il l’avait quitté quatre ans auparavant, du moins quant à l’allure, à la tenue et à l’abord. Son masque impassible et lisse était un peu ridé, ses cheveux avaient blanchi et il levait moins haut son front autoritaire. Sur le bureau déshonoré il y a des années par le malencontreux Robinson Suisse s’étalaient à présent une liasse de banknotes et une feuille de papier couverte de chiffres alignés en colonne.

L’industriel, toujours à la besogne, répondit à peine au : « Bonjour, cousin ! » que Laurent essayait de rendre aussi soumis, aussi affectueux que possible.

— Veuillez prendre connaissance de ce tableau et vérifier l’exactitude des calculs. Ceci vous représente mes comptes de tutelle : d’un côté vos revenus, de l’autre les frais de votre entretien et de votre éducation… Vous m’accorderez que je me suis abstenu autant que possible d’ébrécher votre petit capital. Lorsque vous aurez examiné ce travail, je vous prie, si vous l’approuvez, de signer ici… Vous pourrez emporter un double de cette pièce…

Laurent fit un mouvement pour saisir la plume et signer de confiance.

M. Dobouziez lui arrêta le bras, et de sa voix égale : « Pas de cela !… Vous me désobligeriez… Lisez d’abord. »

Quoi qu’il en eût, Laurent s’assit devant le pupitre et fit mine