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I

Le Port.


Portant haut la tête, bombant la poitrine, Laurent s’engageait d’une allure de conquérant, dans sa ville natale. Il lui fallait aviser au plus pressé : choisir un logement. Le quartier marchand, au cœur de la cité, le requérait avant tous les autres.

Il retint un appartement au second étage d’une de ces pittoresques maisons à façades de bois, à pignons espagnols, du Marché-au-Lait, rue étroite et passante, encombrée du matin au soir de véhicules de toutes sortes, camions et fardiers des corporations ouvrières, charrettes et banneaux de maraîchers.

Les fenêtres de Laurent prenaient vue, par-dessus les bicoques d’en face, sur les jardins du pléban de la cathédrale. L’immense vaisseau gothique dépassait la futaie. Quelques corneilles voletaient en croassant autour du faîte de l’église.

C’est à Notre-Dame qu’on avait tenu Laurent sur les fonts baptismaux, et justement le carillon, le cher carillon, l’âme mélodieuse de la tour, qui l’avait bercé durant ses premières années quand il jouait aux osselets ou à la marelle, devant la porte, avec les polissons du voisinage, se mit à brimbaler une vieille ballade flamande que Siska chantait autrefois :

Au bord d’un rivelet rapide
Se lamentait une blanche jeune fille.

Laurent résolut d’aller retrouver sur-le-champ cette féale amie.

Une nouvelle commotion l’attendait au Port en face du grand

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