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Raymonne


Puis il sent une main qui sur son front se pose,
Main blanche et caressante. Et de pleurs il l’arrose.
La petite main tremble, et ses doigts fins et doux
Indiquent la pitié plutôt que le courroux.
Mais il ne comprend pas. « Ô pauvre enfant, pardonne…
Pardonne à ton bourreau, pardonne, ma mignonne, »
Fait-il en sanglotant. Mais qu’est-ce ? Cette fois
Il sent un long baiser qui le trouble, et la voix
De quelqu’un qu’il aimait, voix douce et bien connue,
Lui dit : « Es-tu content que je sois revenue,
Et veux-tu que je reste, ou faut-il éveiller
Raymonette, qui doit encore sommeiller
Dans son lit nuptial, près d’Huguet, son beau pâtre ? »

Elle dit tout cela d’un petit air folâtre,
Comme quelqu’un qui rit d’un bon tour bien joué ;
Et Gisors le brutal, Amaury le roué,
Suffoquant d’un bonheur qui touche à la démence,
Se trouvant délivré du remords, poids immense,
Ne peut que répéter : « Ma Diane, aimons-nous,
Ou plutôt laisse-moi t’adorer à genoux ! »