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La Guigne


Un ruban défraîchi ceint leur chignon tordu,
Retombant fauve et roux sur leur col de bacchante.
Au-dessous, des jupons festonnés en acanthe,
Le mollet s’arrondit sous un bas bien tendu.
Il sort de ce remous une senteur piquante,
L’odeur de la chair vive et du fruit défendu.

Des gamins de vingt ans, débraillés dans leur mise,
La casquette en arrière ou pendant de côté,
En pantalon roussâtre, en manches de chemise,
La pipe aux dents, les yeux clignant de convoitise,
Marchaient, se rengorgeant avec fatuité,
Leur sang de plébéien par le désir fouetté.

D’autres, les Adonis, gars à bonnes fortunes,
L’accroche-cœur poisseux rapproché des sourcils,
Sans aller au-devant des blondes et des brunes
Les attendaient, les mains dans les poches, assis
À la porte d’un bouge et buvant le cassis,
Quitte à faire leur cour aux heures opportunes.

Les groupes avançaient. Un moment les gamins
Et les gaupes tournaient dans de folles poussées.
Chacun tenait sa belle, et d’indiscrètes mains