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La Guigne

Le mois où dans les prés pousse la primevère.
— Inutile au lecteur de froncer le sourcil,
Je jure que ce conte est utile au récit.

Le soleil, qui des monts détache l’avalanche,
Darde ses flèches d’or sur la montagne blanche.
C’est qu’il aime la neige ; il l’éclaire au matin,
Il la fait chatoyer ainsi que le satin
D’une robe de noce, ou celle que dimanche
À la madone met le dévot sacristain.

Il la couvre, à midi, d’or et de pierreries ;
L’œil ébloui ne peut en supporter l’éclat.
Les jeunes souverains de votre pays plat,
— Les montagnards ainsi désignent nos patries, —
Vos brillants officiers, votre premier prélat,
N’ont sur l’habit de cour autant de broderies.

La neige laisse faire et jamais ne s’émeut.
L’astre, pour être aimé, fera tout ce qu’il peut ;
Il veillera discret et caressant à l’aube.
Il boudera parfois, triste, les jours qu’il pleut.
Les beaux soirs recueillis avant qu’il se dérobe,
Avant que pour la nuit il nous cache son globe,