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Pour Follette


Pierre le Cossu, fermier du Plassis,
N’a point eu pitié des membres transis
De la vagabonde, aux yeux noirs de flamme.
« Tu voudrais du pain, un gîte, un foyer…
Tu les peux gagner, mais il faut payer…
Comme doit le faire une belle femme… »

Elle a regardé sans franchir le seuil,
Belle de fierté, d’honneur et de deuil ;
Elle a regardé de ses yeux limpides
Le gros tentateur lubrique, insolent…
Elle n’a rien dit ; puis de son pas lent
Elle a regagné les genêts humides.

Alors Pierre a dit : « À moi, mes limiers !
Quoi ! je suis le coq des maîtres fermiers,
Et cette maraude aux yeux de sorcière
Dédaigne le bien que je lui voulais !
À moi, mes limiers ! à moi, mes valets !
Ramenez-la-moi ; fouillez la bruyère ! »
J’avais entendu. Le cœur me battit.
Pierre était puissant et je suis petit.
Mais j’aime Follette, au doux regard triste.
« Pierre, arrête-toi, rappelle ton chien !