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Le Garde forestier

 
Et l’homme ?
Et l’homme ?Il dort.
Et l’homme ?Il dort.Pourtant voici quelque rêveur,
Un artiste sans doute, aujourd’hui plein d’ardeur,
Qui veut, au saut du lit, surprendre la nature
Levant d’un pied rosé la sombre couverture.

Non. C’est un paysan, grand et bien découplé,
Les traits rudes, mais beaux, l’œil noir, le teint hâlé,
Faisant paraître brun l’incarnat de sa joue.
Il doit venir de loin, à ne voir que la boue
Que ses guêtres de cuir portent jusqu’aux jarrets
Et prise en traversant les bois et les guérets.
Sa blouse de drap vert en route s’est mouillée
Aux brumes tamisant leurs pleurs sur la feuillée.

Dans les sentiers ombreux il s’enfonce à pas lents.
Son fusil trahirait des instincts violents ;
Mais il a l’air si bon qu’entre ses mains cette arme
À l’écureuil craintif donne à peine l’alarme.
Il revient, ce passant, d’une ronde de nuit,
Des carrefours lointains et des halliers sans bruit
Voués aux braconniers, dont la balle menace
Autant que les chevreuils le cœur du garde-chasse.