Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/73

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
La Vengeance de Phanor

« Tiens, tu sors ? dit la femme au mari. Mais il pleut.
— Pour un moment… Phanor, ici… Viens avec maître.
— Tu l’emmènes, vraiment ?… Pour en finir peut-être ? »

L’homme ne répond pas.
L’homme ne répond pas.Or la bête s’étend,
Bâille, fait un effort et s’approche en boitant ;
Montrant son bon vouloir, elle agite la queue.
Elle ferait encore, s’il le faut, une lieue,
Quitte à crever en route.
Quitte à crever en route.Il fut un temps, Phanor,
Où tu n’avais besoin, pour prendre ton essor,
Que de voir détacher du mur la gibecière
Et passer le fusil de chasse en bandouillère.
Le flair subtil, l’œil clair, infatigable, ardent,
À la voix du chasseur, docile cependant,
Étouffant sur un mot ta fanfare fébrile,
Te mettant en arrêt, à coup sûr, immobile,
Dominant ton instinct, muet, la patte en l’air,
Après le coup de feu seulement, bon setter,
Tu partais dans les joncs, à travers les broussailles,
Rapportant les perdreaux, les lapins ou les cailles,
Cela sans hésiter, tête haute, joyeux
D’être pour cet ingrat un aide précieux.