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LES FUSILLÉS DE MALINES

Puis, les cavaliers, qui avaient fait l’office de traqueurs et de rabatteurs, laissèrent à l’infanterie le soin de couronner la fête. À cette fin, sur l’ordre du général, on commença par rendre une partie de la foule à la liberté, moins par clémence que pour s’assurer plus facilement des paysans. Par groupes de cinq ou six à la fois, badauds et badaudes s’esquivent entre les rangs ouverts des soldats ; ceux-ci, dignes de leur général, prenant non moindre plaisir à prolonger les transes de ces misérables qui, renvoyés, bernés d’un peloton à l’autre, arpentent la place, rôdent, s’essoufflent, prodiguent les implorations, protestent de leur civisme avec des allures rampantes de chat échaudé ou des toupillements de rats éprouvant les fils de fer de leur prison.

À la longue le piège n’enferme plus que des campagnards et du menu peuple.

Le premier mouvement des paysans avait été de se défaire de leur armement, d’arracher insignes et cocardes, de retourner, pour les vider, poches et gibernes. Les armes ne leur étaient d’ailleurs d’aucun