Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/108

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froid ! les cotillons se tenaient raides d’humidité ! Et la Marie-Jeanne, qui grelottait comme un enfant, s’accroupit sur le remblai de ciment où est planté le fanal. Alors la Louise empoigna furieusement la corde et sonna à tours de bras, jusqu’à être en nage. Mais le vent d’ouest, qui forçait de plus en plus, emportait le son sur la baie, et dans les maisons du village, terrés au chaud, les pêcheurs n’entendaient même pas le carillon éperdu. Et quand Louise se calma, les bras rompus, elle s’aperçut que le phare du Pilier paraissait à l’horizon comme une tache rousse et qu’il ne passait plus de brouillard dans le rayon du feu vert.

Engourdie de froid jusqu’au cœur, la Marie-Jeanne se demandait quelle force d’amour possédait cette grande fille qui s’acharnait au rappel de l’amant, lorsqu’elle entendit rire, se sentit soulevée et vit le phare du Pilier éclater devant elle. Alors elle rit aussi en s’essuyant les yeux, parce que les rires d’espoirs font en même temps pleurer, puis de toutes leurs lèvres gercées les deux femmes s’embrassèrent et s’attardèrent là, toutes béates. Enfin elles regagnèrent le village en tâtonnant tout le long du garde-fou et Louise quitta seulement la Marie-Jeanne à sa porte.

Les enfants dormaient à poings fermés dans leur berceau. La Marie-Jeanne songea longtemps dans son lit aux draps rudes, car lorsqu’on a de