Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/135

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voulut arriver, il commanda : tout le monde à son poste ! fit mettre la barre au vent et filer de l’écoute. La Couronne ne gouvernait pas plus qu’une barrique et roulait à embarquer toute la mer, dret devant la corvette qui allait la couper en deux, plein vent arrière. Mon aïeux faisait sa prière ; le capitaine était très pâle et au moment où la corvette l’abordait, il jura de se faire moine si son navire était sauvé, et aussi vrai que j’ te l’ dis, p’tit gars, le vaisseau de feu abattit sur tribord aussitôt et rangea seulement la Couronne, si près que leurs vergues se heurtèrent. Il y avait sur le gaillard d’arrière un vieux habillé d’une mode qu’on ne connaissait plus ; il rigolait dans la bourrasque et fumait sa pipe, et tous les hommes de l’équipage étaient très vieux aussi et hurlaient comme des damnés, pasque le Voltigeur c’est l’enfer des matelots. Mon aïeux disait qu’il avait passé comme un boulet en calmant les vagues autour de lui et on ne le vit pas cinq minutes…

Soudain le sifflet d’un vapeur retentit. Sémelin s’interrompit court, poussa précipitamment une porte et sortit avec Piron sur la galerie extérieure en même temps que le bruit de la mer entrait d’un coup dans leurs oreilles.

À quarante mètres au-dessous d’eux, elle grouillait, animant les ténèbres d’une vie terrible. Ils se penchèrent par-dessus le parapet, le regard