Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/150

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le matin au petit jour, au lieu de la belle agitation des vareuses claires, des sabots sonores, des embarquements bruyants et des appareillages, le soleil éclairait des corps affalés, comme des cadavres, sur le sable ravagé et des tas de cendres qui parfois fumaient encore.

Le syndic de la marine et le maire de Noirmoutier durent intervenir parce qu’il y eut des soulées tragiques. Le désir d’être le premier, ardent chez ces hommes, qui vivent dans la lutte et l’émulation, s’exaspérait avec l’ivresse. Aux souvenirs interminables des tempêtes affrontées, des pêches mémorables et des régates épiques, des champions se défièrent et l’on vit l’acier luire au bout des poings. Aquenette le Nain, qui n’a pas la force, fut prompt à dégaîner. Il fallut les gendarmes pour mettre fin au pillage et faire rentrer les couteaux. On arrêta Double Nerf, Bourrache et Charrier.

Le père Piron, qui n’avait pas désoûlé depuis huit jours, retrouvait chaque matin des forces pour gagner la maison des ribottes. On l’y accueillait joyeusement ; on le faisait danser et chanter, et plus il était ivre, plus les assistants s’amusaient. Le soir, lorsqu’il ne pouvait pas rentrer chez lui, des camarades le hissait à sa cabane.

Sa femme et sa fille préféraient ne pas le voir revenir sur ses jambes parce qu’il les rossait tant qu’il tenait debout. Il reprochait à sa femme sa