Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/267

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s’aguichant à force de propos raides où le geste de l’amour servait indéfiniment de plaisanterie.

P’tit Pierre, qui ne chantait point, tirait des succès de sa prestance et de ses muscles. Il avait tôt fait, en jouant, d’empoigner une fille et de l’enlever comme une plume, tandis qu’elle se roulait de joie entre les mains puissantes. C’était là son triomphe, dont il abusait un peu, surtout avec Cécile, la fille à Pelot le douanier.

Elle se dérobait simplement pour rendre la poursuite plus haletante, l’emprise plus serrée. Elle avait de l’inclination pour P’tit Pierre qui la distinguait parmi ses compagnes. Brune avec de longs cils, un peu boulotte, fraîche et ferme de chair, elle portait du sang sur les joues comme des fleurs.

Plusieurs fois P’tit Pierre voulut l’emmener en canot avec Cul-Cassé, mais le boiteux s’y opposait toujours violemment, parce qu’il détestait les filles moqueuses qui lui rendent plus obsédants ses désirs. P’tit Pierre aurait aimé réunir ses deux joies : Cécile et le bateau ; car, lorsque la mer était haute, à ses moments de loisir, il ne se sentait pas toujours la force de perdre une heure de canotage pour attendre, à l’atelier, la sortie des filles.

Cécile l’en raillait avec une pointe de dépit :

— Un beau galant que j’ai là ! Ça peut seulement point se tenir dès que ça voit un canot !