Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/272

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marteaux, bourses, lunes, dont il se glorifie d’avoir mangé ; coup de mauvais temps, naufrages, et bordées formidables dans les ports du globe où les équipages se colletaient après boire, parce qu’ils ne parlaient pas la même langue.

Un grand souffle de vie libre, brutale, féroce, un grand souffle chargé de salure passe entre les trois hommes et les exalte sous la lampe fumeuse. Clémotte redit l’histoire de la femme qu’il échangea contre deux pots de graisse sous Bornéo, en agitant ses mains tortes. Hourtin reprend ses aventures, et P’tit Pierre les suit toujours, les yeux fixes, le menton dans les paumes.

Il rentrait tard dans la nuit. Il écoutait la mer calme bruissant parmi les roches, comme un millier de voix chuchoteuses. Il ne songeait pas aux frères partis qui n’étaient point revenus. Mais il pensait un moment à Tonnerre, parce que cette nuit douce est de celles qui font parler le baigneur. Et seulement, quand il se couchait, il se rappelait Cécile, qui dormait sans doute, chaude et appétissante.

Malgré l’invitation de ses parents, P’tit Pierre ne se pressa pas de l’amener et continua de la voir en cachette. Alors le brigadier, craignant que ça ne tournât mal, s’en fut « causer un brin » avec le père de la fille. Et un beau soir en rentrant,