Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/297

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— Oui, dit Bernard, faut que le gars parte, il le ramènera…

Du moins, pensait-il, on aurait son corps à celui-là ; on le mettrait au cimetière, là-haut, tout près de nous, avec une belle inscription et des fleurs sur sa tombe.

P’tit Pierre boucla son paquet sur le champ, en dissimulant mal la joie levée en lui, et dont il se sentait tout honteux. Les départs lui donnaient de l’émotion, non à cause de ceux qu’il laissait, de la rupture de quelques attaches de la vie, de l’incertitude des voyages, mais parce qu’ils étaient la porte de l’inconnu, de l’aventure. Il s’en allait, les yeux de sa jeunesse vers l’avenir, sans se retourner.

Et voici son premier grand voyage, jusque dans le nord, à Calais, dans les mers dont parlait Hourtin, différentes de la sienne. Bien sûr, c’était triste d’aller chercher le cadavre de son frère, Florent au col bleu, au pompon rouge, avec qui il faisait beau se montrer, mort maintenant, bêtement et sans gloire. Mais tout de même, il verrait du pays, des ports, des navires, des escadres… Et il ne pouvait refouler la joie qui montait par intervalle du fond de son cœur comme des bulles.

Il mit sa vareuse dans son ballot, ses économies dans sa poche, s’arrangea avec Perchais pour traverser à Pornic et s’en fut causer avec Cul-Cassé afin de jouir de sa tournée à l’avance.