Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/46

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— Alors, dit-il, c’est ça qui coûte si cher, queuques planches clouées !

— Dame ! C’est de la belle ouvrage ! vanta Urbain.

Le bonhomme s’approcha, caressa les bordés et concéda :

— Le bois est bon, c’est ben péché de l’ jeter à l’eau !

— J’ pense qu’il en reviendra, fit Urbain.

— P’tête ben aussi qui n’en r’viendra pas, riposta le vieux, narquois.

— Oh ! père ! pria Marie-Jeanne.

Le bonhomme riait silencieusement de toutes ses rides en se bourrant le nez de tabac, à la force du pouce. Puis brusquement il devint grave et dit :

— J’avais promis de v’nir voir c’te bateau et me vla ; mais, mon gars, j’t’approuvions point. C’est trop conséquent pour toi et trop de prix. T’as p’tête seulement point d’quoi l’payer !… Alors ?… S’il vient des mauvaises saisons ?… L’an dernier j’ons perdu mes fèves par les pluies ; ct’année c’est le soleil qui mange la récolte. Y a point d’fiance au temps, et il est le maître…

La Marie-Jeanne avait repris son tricot machinalement, un peu gênée par les paroles du vieux paysan, qui sentaient la prudence campagnarde et la lutte sans merci contre l’invincible nature.