Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/96

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Or, dans cet instant, le père Couillaud s’avança pour lui serrer la main.

— Ton bateau marche ben, mon gars, dit-il, mais, i rapportons guère ! C’est point toujours ceux qui plantent qui récoltent !

À propos, le vieux Mathieu intervint pour proposer une cerise à l’eau-de-vie, « une cerise du jardin, et c’est ma bru qui les confit, alles sont vrai gouleillantes ! » Mais, n’ayant pas le cœur à trinquer, Coët s’excusa et rembarqua avec sa femme et ses enfants.

Des yachts et des chaloupes s’éloignaient déjà vers Saint-Nazaire, vers Pornic, vers l’Epoids, sur la mer plus plate maintenant que le vent tombait avec le soleil. La mer n’était plus l’eau vive, lourde de fécondité, épaisse de couleur, moutonneuse aux heurts de ses nappes vertes, mais la table d’émeraude lentement polie pour prendre, d’un seul reflet, tout le ciel au couchant. Les tons s’affinaient vers l’horizon, s’imprécisaient, mélange brumeux d’or, de rose, de réséda, de gris, où une voile lointaine mettait l’harmonie de sa courbe et l’émotion émanée des vies humaines qui s’en vont.

Un vapeur emporta la musique qui déchaînait une Marseillaise avinée. L’ombre du Bois croissait sur les eaux où des barques avaient une immobilité grave de penseur, car on sentait bien que ce n’étaient pas là des choses mortes.