Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/139

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Celui-ci tenait sur ses genoux un petit chien maltais portant un collier d’argent, et, quand une de ses mains n’était pas occupée par son cigare ou par son café, il la posait sur cette créature microscopique. Fetch, jalouse et blessée que son maître ne lui accordât ni un mot ni un regard, mit doucement sa patte velue sur sa jambe, pour appeler son attention. Grandcourt la regarda quelque temps d’un air impassible ; puis il prit la peine d’ôter son cigare et de porter jusqu’à son menton le calme Fluff, auquel il donna de petites tapes caressantes, tout en surveillant de près Fetch, qui, pauvre bête ! geignait de temps en temps pour exprimer son mécontentement et qui, enfin, reposa sa tête sur sa patte comme pour implorer une caresse. Mais, quand cette angoisse, qui amusait Grandcourt, se formula en hurlements plaintifs, il repoussa Fetch, et, déposant Fluff sur la table (où son nez noir dépassait à peine une salière), il regarda son cigare et vit, à son grand mécontentement, qu’il fallait rallumer « cette brute de cigare » qui avait eu la stupidité de s’éteindre.

— Débarrassez-moi de cette chienne, voulez-vous ? dit Grandcourt à Lush, sans élever la voix, ni regarder de son côté, persuadé que son moindre signe devait être obéi.

Lush se leva, emporta Fetch, qui n’avait pas l’air de s’y prêter volontiers et la mit dehors. En rentrant, il alluma un cigare et alla s’asseoir dans un coin d’où, sans se retourner, il pouvait observer le visage de Grandcourt, auquel il dit :

— Irez-vous à cheval ou en voiture à Quetcham ?

— Je n’irai pas à Quetcham.

— Vous n’y êtes pas allé hier.

Grandcourt fuma sans rien dire pendant une minute et reprit :

— Je suppose que vous avez envoyé ma carte et mes excuses.

— J’y suis allé moi-même, et j’ai dit que vous viendriez,