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de sa mère ! » Pourquoi ressemblait-il à sa mère et non à son père ? Si sir Hugo était son oncle, il fallait que sa mère fût une Mallinger. Mais non ! Son père pouvait avoir été le frère de sir Hugo ; il pouvait avoir changé de nom comme Henleigh Mallinger quand il épousa miss Grandcourt. Mais, alors, pourquoi n’avait-il jamais entendu sir Hugo parler de son frère Deronda, comme il le faisait de son frère Grandcourt ? Daniel ne s’était jamais inquiété de l’arbre généalogique de la famille ; il ne connaissait que l’ancêtre qui avait tué trois Sarrasins d’un seul coup d’épée. Maintenant tous ses désirs tendaient vers le cabinet où il savait qu’était suspendu un parchemin enluminé que sir Hugo appelait l’arbre de la famille. Cette expression lui avait d’abord paru bizarre ; il la comprenait aujourd’hui et aurait bien voulu pouvoir examiner ce parchemin. Devait-il s’introduire dans le cabinet ? Non ; il s’arrêta de lui-même. Il aurait pu être vu et il ne voulait pas se mettre dans le cas de laisser soupçonner la silencieuse douleur qui venait de se glisser dans son cœur.

Peu de temps après cette scène qui avait provoqué en lui une telle agitation, il put se convaincre qu’en lui proposant de devenir un grand chanteur, sir Hugo n’avait voulu que plaisanter. Il fit appeler Daniel dans sa bibliothèque, et, en le voyant entrer, il avança une chaise en disant.

— Ah ! ah ! te voilà, Dan ! Viens ici et assieds-toi.

Daniel obéit et sir Hugo mit amicalement la main sur l’épaule du jeune garçon, qu’il regarda affectueusement.

— Qu’as-tu, mon ami ? Aurais-tu appris quelque chose qui te fasse de la peine ?

Daniel fit tous ses efforts pour retenir ses larmes et ne put répondre.

— Tout changement est pénible quand on est heureux, je le sais, continua le baronnet en passant ses doigts dans