Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/243

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— Qui ? moi ? ressembler à miss Graves chez madame Meunier, non !

— Je crois aussi que la situation chez l’évêque serait plus supportable. Il ne doit rien y avoir de pénible dans la famille d’un évêque.

— Pardon, maman. Il est toujours pénible d’être gouvernante, et je ne vois pas que ce soit plus agréable d’être malmenée chez un évêque que partout ailleurs. Et puis vous savez que j’ai l’enseignement en horreur ! Me voyez-vous enfermée avec trois fillettes aussi ennuyeuses qu’Alice ? J’aimerais mieux émigrer.

Gwendolm aurait été bien en peine d’expliquer ce qu’elle entendait par « émigrer » ; mais madame Davilow ne pensa pas à le lui demander ; elle ne voyait point d’issue et prévoyait avec effroi la collision qui pourrait s’élever entre sa fille et son oncle quand elle irait au presbytère. Cependant, il y avait dans les expressions hautaines de Gwen un air de réticence qui lui fit supposer qu’elle tenait en réserve un plan défini, et, malgré l’ignorance pratique dont elle donnait des preuves continuelles, la croyance de sa mère en ses capacités était sans bornes.

— Maman, reprit Gwendolen au bout d’un instant, j’ai quelques bijoux dont je puis me défaire. Cela ferait une petite somme dont j’aurais besoin pour une chose à laquelle je pense. Marshall de Wancester les achètera de grand cœur. Jocosa pourrait aller les lui proposer ; elle va nous quitter sans doute ; mais, avant, elle n’hésitera pas, je pense, à nous rendre ce service.

— Elle fera ce que tu voudras, la pauvre bonne âme. Je ne te l’ai pas encore dit : eh bien, elle voulait que je prisse ses épargnes, 300 livres ; je lui ai conseillé de monter une petite école ; ce serait trop dur pour elle d’entrer dans une nouvelle famille après être demeurée si longtemps avec nous.