Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Acceptez-vous mes hommages ? dit Grandcourt qui la regardait en face sans faire un mouvement. Comment aurait-elle pu se contredire elle-même ? Il avait coupé court à toute explication. Le « oui » sortit aussi gravement des lèvres de Gwendolen que si elle avait répondu à l’appel de son nom devant une cour de justice. Il le reçut gravement aussi, et ils se regardèrent sans changer d’attitude. Enfin il s’avança, et lui prit la main sur laquelle il posa ses lèvres. Elle trouva sa tenue parfaite, quoiqu’elle fût prédisposée à se montrer méchante. Son « oui » lui coûtait peu en ce moment ; elle se disait qu’elle était délivrée des Mompert et sa mère de l’affreux Sawyer’s Cottage.

— Ne voulez-vous pas voir maman ? Je vais la chercher.

— Attendez encore un peu, dit Grandcourt en prenant son attitude favorite, l’index et le pouce dans la poche de son gilet et sa main droite caressant ses favoris.

— Avez-vous autre chose à me dire ? demanda-t-elle en souriant.

— Oui ; mais ces choses peuvent être un ennui pour vous.

— Pas celles que j’aime à entendre.

— Eh bien, cela vous ennuierait-il si l’on vous demandait quand nous pourrons être mariés ?

— Je crois que oui aujourd’hui, répondit-elle en relevant la tête avec un petit air impertinent.

— Pas aujourd’hui alors, mais demain. Pensez-y ; vous me le direz quand je viendrai demain. Dans une quinzaine… dans trois semaines… aussitôt que possible.

— Ah ! vous aurez bientôt assez de ma compagnie, dit-elle. J’ai remarqué que, quand on est marié, le mari n’est pas autant avec sa femme que quand ils étaient fiancés. Mais peut-être aimerai-je mieux cela, moi aussi !

Elle rit d’une manière charmante.

— Vous ferez tout ce que vous aimerez, répondit Grandcourt.