Page:Eliot - Daniel Deronda vol 1&2.pdf/327

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— Ce sera tout de même onéreux, Lou ! Il faudra débourser une lourde somme ! Quarante mille livres pour le moins !

— Mais pourquoi les inviter à l’abbaye ? demanda lady Mallinger. Je n’aime pas les femmes qui jouent, comme lady Cragstone.

— Oh ! nous ne les aurons pas plus d’une semaine ! et puis, elle ne ressemble pas à lady Cragstone parce qu’elle a un peu joué ; pas plus que je ne ressemble à un brocanteur parce que je suis whig. J’ai besoin que Grandcourt soit bien disposé ; je veux lui faire voir en détail ce domaine, afin qu’il ait une moindre idée de Diplow. Je voudrais l’attirer ici, et, si Dan va à Diplow, il pourra lui tendre l’hameçon. Ce serait me rendre un grand service.

Ceci fut dit pour Deronda.

— Daniel n’aime pas beaucoup M. Grandcourt, n’est-ce pas ? dit lady Mallinger en le regardant.

— Parce qu’on n’aime pas quelqu’un, ce n’est pas une raison pour l’éviter, répondit Deronda. J’irai à Diplow puisque je n’ai rien de mieux à faire, et surtout parce que sir Hugo le désire.

— Voilà qui est bien parlé, s’écria sir Hugo. Si la visite que tu vas y faire ne t’est pas agréable, elle ajoutera à ton expérience de la vie. Quand j’étais jeune, rien ne me coûtait. Il faut voir les hommes et leurs manières.

— Oui, répondit Deronda, mais j’ai vu cet homme, et aussi quelque chose de ses manières.

— Je ne crois pas que ce soient de bonnes manières, ajouta lady Mallinger.

— Eh bien, tu vois qu’elles réussissent auprès des personnes de ton sexe, reprit sir Hugo pour un peu contrarier sa femme. À vingt-trois ans, il était remarquablement beau… comme son père, du reste, quoiqu’il ne suive pas les traces de son père en n’épousant pas l’héritière. S’il