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LA CONVERSION DE JEANNE

Jeanne, avec un découragement qu’elle se reprochait comme un enfantillage, retourna tristement chez elle ; quand elle entra dans la salle à manger, elle ne put s’empêcher de fondre en larmes. Ce sont ces états de susceptibilité nerveuse indéfinissables — états d’agitation et d’abattement moitié intellectuels, moitié physiques — qui déterminent plus d’une tragédie dans la vie des femmes. Vint l’heure de dîner ; Jeanne mangea à peine ; elle essaya en vain de fixer son attention sur un livre ; elle se promena au jardin et trouva mélancoliques même les rayons du soleil.

Entre quatre et cinq heures elle reçut la visite du vieux M. Pittman ; elle le reçut au jardin, où elle était assise sous un des grands pommiers, pensant à Robert, qui, dans ses moments de bonne humeur, avait l’habitude de mener la « petite maman » voir les concombres ou bien la vache d’Alderney et son veau dans l’étable. Les pleurs et les sanglots étaient revenus à ces pensées ; et, quand M. Pittman s’approcha d’elle, elle se sentait épuisée. Mais la vue et la sensibilité du vieux monsieur étaient obtuses, et, à la satisfaction de Jeanne, il ne parut nullement s’apercevoir de son chagrin.

« J’ai une tâche à vous imposer, madame Dempster, dit-il avec une certaine emphase qui lui était habituelle ; je désire que vous regardiez de nouveau les lettres dans le bureau de