Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/126

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d’une bonne famille, dit Rosemonde d’un ton décidé qui montrait qu’elle avait réfléchi sur la matière. Rosemonde sentait qu’elle eût été plus heureuse de ne pas être la fille d’un fabricant de Middlemarch. Elle détestait tout ce qui lui rappelait que le père de sa mère avait été aubergiste. Et, en effet, toute personne qui s’en serait souvenue aurait pu trouver à mistress Vincy l’air d’une belle et joviale hôtesse accoutumée aux exigences les plus capricieuses des gentlemen.

— C’est dommage qu’il se nomme Tertius, reprit la matrone au visage rayonnant ; c’est naturellement un nom qu’on porte dans sa famille. Mais parlez-nous maintenant un peu de l’homme ; comment est-il ?

— Oh ! grand, noir, intelligent, parlant bien, un peu poseur, à ce qu’il me semble.

— Je ne sais jamais ce que vous entendez au juste par poseur, dit Rosemonde.

— Un homme qui veut montrer qu’il a des opinions à lui.

— Eh bien, mon cher, il faut que les médecins aient leurs opinions, dit mistress Vincy. Pourquoi y en aurait-il, si ce n’est pour cela ?

— Oui, ma mère, les opinions pour lesquelles on les paye. Mais un poseur est un homme qui vous fait toujours présent de ses opinions.

— Je crois que Mary Garth admire assez M. Lydgate, insinua doucement Rosemonde.

— Je ne saurais le dire, en vérité, répliqua Fred avec une certaine mauvaise humeur en se levant de table ; et, prenant un roman qu’il avait descendu, il se jeta dans un fauteuil. Si vous êtes jalouse d’elle, allez vous-même plus souvent à Stone-Court et éclipsez-la.

— Je voudrais bien que vous ne fussiez pas si vulgaire, Fred ; si vous avez fini, sonnez, s’il vous plaît.